PIÈCE de A.R Gurney
NOTE D'INTENTION
Phrases griffonnées sur des coins de cahier d'écolier, lettres
d'amour d'adolescents, appels au secours d'adultes en proie au cours journalier
des événements :
Alexa et Thomas relisent les lettres qu'ils se sont écrites tout
au long de leur vie. Ils nous révèlent ainsi leur intimité
et la complexité de leurs sentiments. Tout le monde à un
jour ou l'autre écrit une lettre d'amour. Dictée par une
espérance ou un désir vite comblés ou éphémères.
Le génie de Gurney est d'avoir inventé entre ses deux personnages,
Alexa et Thomas, une correspondance qui va durer toute leur vie, c'est-à-dire
que pour eux, l'espérance comme le désir se perpétuent,
s'enrichissent et se transforment. Bref, une vie à travers une
correspondance qui devient une pièce parfaite, car pure.
Sans un mot de trop.
Et qui fourmille de signes négligemment jetés dont on découvre
un peu plus loin la raison et a nécessité.
Avec une progression émotionnelle superbement rythmée et
précipitée au cœur de tout ce qui compte, de l'enfance
au jardin définitif.
Gurney qui a exploré l'art du théâtre jusque dans
ses plus profonds abîmes, s'est paradoxalement exercé ici
a totalement déthéatraliser le spectacle visuel en se bornant
à asseoir côte à côte à une même
table ses deux personnages, en leur interdisant même de se regarder,
parce qu'ils ne correspondent que par lettre.
Mais parallèlement, il fait continuellement monter la pression
sensuelle et dramatique, non seulement par les textes qui s'échangent
mais aussi par les délais plus ou moins longs qui s'écoulent
entre les missives, entre les appels au secours et les réponses
qui arrivent dans un contexte changé.
Chacun est alors en porte à faux, ce qui est drôle ou triste
mais toujours inattendu.
Et puis Gurney, après avoir mis au point ce mécanisme diabolique,
a inventé pour conclure un coup de théâtre exactement
dans le droit fil de tout ce qui précède et qui s'inscrit
par les plus émouvantes trouvailles du théâtre d'aujourd'hui.
En lisant cette correspondance, il faut imaginer les ultimes regards dont
l'accompagnent Anouk Aimée et Jacques Weber.
Toute la magie du théâtre est là.
Anne Tognetti et Claude Baignères
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